

« De Fralib à 1336, une marque porteuse de valeurs et de pratiques écologiques »
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1336, la marque de thés et de tisanes produits par la coopérative Scop-TI affiche clairement la lutte qui lui a permis d’exister. 1336, c’est le nombre de jours qu’il a fallu aux anciens salariés d’une filiale d’Unilever, Fralib, pour faire plier la multinationale, reprendre l’entreprise et fonder leur coopérative.
Environ douze mois après l’arrêt brutal de la production de l’usine Fralib, j’ai organisé à l’automne 2011, au sein même de l’usine, un « séminaire ouvrier ». Responsable d’une Scop en région parisienne et membre de plusieurs réseaux mêlant chercheurs, journalistes et acteurs du mouvement coopératif, je répondais à l’invitation d’amis militants de la gauche alternative et altermondialiste de la région de Marseille.
Nous échangions avec les salariés en lutte pour nourrir nos réflexions des expériences issues des mouvements sociaux, et pour partager avec eux ce que nous avions pu tirer de l’histoire, du XIXe siècle à nos jours, des combats de reprise d’entreprises par les salariés, en France, en Argentine comme en Grèce ou ailleurs à travers le monde. Suite à ce séminaire, j’ai été amené à populariser la mobilisation des Fralibs, lors de plusieurs dizaines de débats à travers toute la France, et à contribuer au montage de la coopérative. Pendant ces trois années d’accompagnement solidaire, j’ai été frappé par la vitesse à laquelle les travailleurs se sont approprié la culture coopérative et les principes d’une écologie en actes.
« Pas un boulon ne sortira de l’usine ! »
La fin de l’année 2011 a été principalement consacrée à l’analyse de l’économie réelle de l’entreprise. Grâce à un cabinet expert dépêché par la Fédération CGT de l’Agro-alimentaire, les salariés ont découvert que, contrairement aux allégations d’Unilever, l’usine était rentable. Fort de ce constat, ils ont recherché, en vain, un repreneur. En parallèle, Unilever s’est engagée à proposer des reclassements en Pologne avec des salaires de 450 euros par mois. « Nous n’avons pas prévu d’acheter des caravanes pour suivre les lubies du groupe et garantir les revenus des actionnaires. Nous bossons un trimestre pour rentabiliser l’usine, les trois trimestres restant sont pour la bulle financière !» nous rappellent plusieurs salariés en réponse à cette proposition.
Ils décident dès lors d’occuper l’usine et d’empêcher toute opération de récupération des machines par Unilever. « Pas un boulon ne sortira de l’usine ! » clament-ils haut et fort.
« L’idée de fonder une coopérative était bien loin de notre culture militante et professionnelle » confie Olivier Leberquier, alors délégué CGT et aujourd’hui directeur général élu de la Scop-TI, la société coopérative ouvrière provençale de thés et d’infusions. Il est d’ailleurs notable que l’action des organisations syndicales était déterminante pour organiser, avec efficacité, la mobilisation face à Unilever. En revanche, les salariés ont du compter sur les réseaux associatifs pour monter le projet de SCOP.
Construire une autre société
La jonction avec nous autres, militants des forums sociaux et du mouvement coopératif, s’est faite très naturellement. Olivier Leberquier souligne :
« Le capitalisme n’est ni immuable, ni réformable. En ce moment, il faut bien faire avec, mais on essaie de se battre contre et on propose des solutions plus humaines. Mais il faut qu’on soit bien d’accord, notre idéal à tous est de construire vraiment une autre société. Parce que sinon, si on ne se dit pas ça, on va faire comme ceux qui sont aujourd’hui aux manettes, qui essaient de nous faire avaler la pilule. Ce serait mettre des pansements sur des hémorragies. »
Retrouvez notre focus sur l’avenir de Scop-Ti : Les nouveax défis des ex-Fralib
En quelques mois, les salariés ont bâti leur projet de Scop, occupés dans le même temps à protéger leurs outils de travail. S’intéressant à trouver des producteurs de plantes à tisane, ils s’approprient le concept de « circuits courts », ils rencontrent les producteurs de tilleul de la Drôme, qui avaient vu leurs ventes s’écrouler ces dernières années, et s’accordent à leur passer commande dès que possible.
L’essentiel pour moi est d’avoir connu des hommes et des femmes, entrés en résistance face à la puissance et la brutalité d’une multinationale, prouvant qu’il est leur est possible d’inventer une coopérative ouvrière industrielle, porteuse de valeurs et de pratiques écologiques. Et depuis septembre dernier, les produits 1336 sont en vente en magasin, comme sur Internet.