

Bangladesh : gros volumes, petits prix… et impunité
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Produire de gros volumes à moindre coût, voilà l’opportunité qu’offre le Bangladesh à la grande distribution, désormais détentrice de ses propres marques de vêtements. Auchan ne s’y est pas trompé. Non sans impact sur les conditions de travail des ouvriers des usines textiles du pays.
« Il est des valeurs humaines et universelles inoxydables, indifférentes aux caprices de la mode, insensibles aux changements de latitude ». Ainsi s’exprime le groupe Auchan sur son site internet. L’on pourrait croire qu’il s’attacherait à mettre en pratique cet énoncé plein de promesses.
Et pourtant. Le 24 avril 2013, lorsque le Rana Plaza, un immeuble de 8 étages abritant des usines textiles s’effondre à Dacca au Bangladesh, tuant 1138 ouvriers et en blessant 2000, des vêtements de sa marque propre In Extenso sont retrouvés dans les décombres.
Au lendemain du drame, l’enseigne nie sa responsabilité, qu’elle impute à l’un de ses fournisseurs, qui aurait sous-traité sans son accord une partie de sa production dans l’immeuble délabré. Sous la pression citoyenne et médiatique, le Groupe annonce un plan de lutte contre la sous-traitance. C’est la moindre des choses étant donné l’ampleur du drame.
Or, le Rana Plaza a mis au jour le système globalisé de sous-traitance sur lequel est fondée l’industrie du textile. Composé d’une succession d’acteurs sans lien juridique, il permet d’exempter le donneur d’ordre initial d’une responsabilité qui lui est pourtant reconnue par les textes internationaux.
Les grands distributeurs en sont désormais des acteurs centraux. Car depuis une quinzaine d’années, ils ont développé, dans le textile comme dans de nombreux secteurs, leurs propres marques. Ils ont flairé la manne : elles leur ont permis d’asseoir leur parts de marché face à leurs concurrents ; de fidéliser une clientèle; et bien entendu d’accroître leur profit.
Si les produits textiles, vendus à bas prix, dégagent une faible marge, la rentabilité provient des volumes, considérables. Dès lors le modèle économique est clair, qui repose sur la minimisation des coûts de production. Le Bangladesh constitue à ce titre un Eldorado : souffrant d’une instabilité politique et d’infrastructures défaillantes, il tire bien son avantage comparatif du coût de sa main d’œuvre textile, la moins chère au monde – et de sa capacité à produire en masse. En bout de chaîne, les ouvriers travaillent 6 jours sur 7, 70 heures par semaines, subissent répression syndicale et brimades – et perçoivent des salaires de misère.
Dès lors, la responsabilité de ces nouveaux acteurs incontournables doit être à hauteur du rôle économique qu’ils prétendent jouer. Le Groupe Auchan, priorité de la famille Mulliez, première fortune de France, et deuxième distributeur Français avec 55 milliards d’euros de chiffre d’affaires n’est pas en reste.
Ces puissants acteurs de la mondialisation doivent être redevables. En France, un premier pas fondamental a été réalisé avec le vote en première lecture, par l’Assemblée Nationale, de la loi sur le devoir de vigilance. Rejetée par le Sénat, elle doit être réexaminée par la chambre basse. Face au contre lobbying puissant des acteurs économiques, c’est la mobilisation citoyenne qui pourra faire la différence, pour rendre effective une loi qui protègera les droits humains fondamentaux.