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Le 01-04-2016 à 09:04

Au Burkina Faso, la planification familiale n’est plus un tabou

Par Camille Liewig

Coutumes, idées reçues, manque de centres de santé et de personnel formé : autant de freins qui empêchent les femmes burkinabè d’accéder à la contraception ou qui les poussent à pratiquer des avortements dans la clandestinité. Et pourtant, les acteurs de la société civile se mobilisent sur le terrain pour faire bouger les lignes.

Comme tous les mardis, Hélène Konseiga, animatrice sociale en Santé sexuelle et reproductive (SSR) à l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF), quitte Ouagadougou, la capitale, à bord d’une clinique mobile de l’association pour faire sa tournée. Dans chaque village, l’attend un groupe de personnes, principalement des femmes, mis au courant par les relais communautaires de l’ABBEF. « Dès notre arrivée, nous commençons par une séance d’animation sur la planification familiale, explique-t-elle. Ses avantages, les différentes méthodes contraceptives et leurs inconvénients, mais surtout nous levons les nombreux a priori et idées reçues qui constituent le principal défi à relever en matière de planification familiale au Burkina. Les personnes qui le souhaitent peuvent alors nous demander la meilleure méthode contraceptive pour elles et nous la leur administrons. » Aujourd’hui, une jeune femme de 21 ans vient la voir après la sensibilisation. Elle a déjà quatre enfants et souhaite ne plus en avoir. Même si son mari ne veut pas entendre parler de contraception, elle a décidé de le faire sans son accord. « Ce sont principalement les hommes qui freinent. Ils pensent qu’à cause de la contraception, leurs femmes ne pourront plus avoir d’enfant, qu’elles deviendront stériles, qu’elles vont grossir voire que cela va les encourager à être infidèles, souligne-t-elle. Lors d’une séance de sensibilisation, un mari est devenu fou en voyant sa femme suivre l’atelier. Nous les avons pris à part, tous les deux, nous avons discuté, il a écouté les arguments de sa femme, les nôtres, et il a finalement accepté qu’elle prenne une méthode contraceptive. » Les séances d’échange pour les couples sont d’ailleurs devenues l’une des activités principales de l’ABBEF et d’autres ONG burkinabè qui travaillent sur la planification familiale. « À travers des parents-relais formés par nos équipes, les mentalités changent peu à peu, explique Alizéta Kouda, qui était vice-présidente de l’ABBEF jusqu’en 2015. La sensibilisation passe souvent par la comparaison entre un foyer avec peu d’enfants et un foyer avec de nombreux enfants. Les hommes voient alors l’intérêt socio-économique pour leur foyer de laisser leur femme utiliser un moyen de contraception. »

BurkinaFaso : sensibilisation à la contraception

« Malgré l’interdiction, les femmes burkinabè ont largement recours à l’IVG »

En 2014, seulement 17% des femmes burkinabés utilisaient une méthode contraceptive, avec un décalage fort entre milieu urbain (31%) et milieu rural (11%). Or la planification familiale représente un enjeu de santé publique important pour le Burkina Faso. « Malgré l’interdiction stricte de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) au Burkina, exceptée dans des cas exceptionnels, comme en cas de viol, d’inceste ou de maladie génétique incurable, les femmes burkinabè y ont largement recours, explique Brigitte Syan, chargée de plaidoyer à Équilibres & Populations à Ouagadougou, une ONG française spécialisée dans la SSR. Une femme qui désire avorter trouvera un moyen de le faire, même si c’est dans un garage avec une aiguille à tricoter ou en ingérant des décoctions, s’il le faut. » Cécile Yougbare, responsable plaidoyer à Médecins du Monde France (MdM) à Ouagadougou ajoute : « Une enquête a montré qu’en 2012, 105000 femmes burkinabè avaient eu recours à une IVG clandestine. Environ 2000 ont été recueillies dans des centres de santé pour être soignées de graves complications. Ce sont les chiffres officiels, dans la réalité ils sont encore plus importants. On estime que, aujourd’hui, 3 grossesses sur 10 sont non désirées. » Chaque semaine, les quatre centres de santé de l’ABBEF, répartis sur le territoire burkinabè, reçoivent en moyenne 5 femmes souffrant de complications suite à une IVG clandestine. « C’est beaucoup plus dans les centres de santé pour jeunes, en parallèle des cliniques, où nous accueillons spécifiquement les 15 – 20 ans pour les accompagner sur les questions de SSR, loin des regards de leurs parents, explique Alizéta Kouda. En plus d’être un espace de détente, les jeunes y trouvent des relais de leur âge, formés, avec qui ils peuvent discuter de la contraception, des maladies sexuelles et de sexualité en général. Un psychologue y intervient une fois par semaine pour faciliter la détection des cas graves d’agression sexuelle, comme stipulés par la loi. »

Une loi qui n’est toujours pas appliquée

Faire appliquer la loi, ou plus précisément permettre son application, c’est là toute la problématique de l’IVG au Burkina Faso. « En plus de la honte que ressent une femme victime de viol, elle est confrontée aux regards de personnels soignants tout comme de policiers peu emphatiques et qui ne sont absolument pas formés pour l’écouter », s’exclame Brigitte Syan. 

« Sans exagérer, il arrive que les tribunaux donnent l’autorisation d’avorter à une femme victime de viol, dix ans après la naissance de son enfant. Autant dire que l’avortement légal au Burkina Faso est quasiment inexistant. » 

Équilibres & Populations tout comme MdM et d’autres ONG ont poussé le gouvernement burkinabè à réviser le code pénal afin de faciliter les procédures et diminuer les cas d’avortements clandestins. « Le gouvernement a compris que c’était dans son intérêt, en matière de santé publique, explique Cécile Yougbare. Tout un travail commence à être fait au niveau de la formation des médecins mais aussi des policiers et des magistrats pour qu’ils soient sensibilisés à cette réalité, qu’ils sachent accueillir les femmes victimes et que la loi puisse être appliquée. »

« Il ne se passe pas une semaine sans que la presse ne parle de planification familiale »

De même, la promotion de la planification familiale se fait de plus en plus présente au niveau national. Chaque année, au mois de juin, le Burkina célèbre la semaine de la planification familiale. Communiqués à la télé et à la radio, SMS des opérateurs, gratuité des méthodes contraceptives dans les centres. « Il y a eu une réelle prise de conscience, affirme Brigitte Syan. Il ne se passe pas une semaine sans que les quotidiens nationaux ne parlent de planification familiale. Reste la question de l’accessibilité. » Aujourd’hui, seuls les médecins et les sages femmes sont habilités à prescrire et administrer des contraceptifs. « À la campagne, le premier médecin peut se trouver à plusieurs heures de route. De plus, il faut payer la consultation. Autant de freins pour une femme, ajoute-t-elle. Notre projet pilote de délégation des tâches a enfin été approuvé par le ministère de la Santé. Nous sommes donc en train de le lancer. Il va permettre aux accoucheuses, aux infirmiers et aux agents de santé communautaires, qui sont au plus près des populations de prescrire et d’administrer des contraceptifs de plus ou moins longue durée. » L’ONG espère beaucoup de ce projet. Son succès permettrait de généraliser cette procédure, dans les cursus et les formations de ces professionnels de santé, et à long terme de permettre à toute femme burkinabè d’accéder facilement et simplement à la méthode contraceptive qui lui convient.

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